Montréal bannit les locations de type Airbnb, sauf durant l’été et si Laval faisait de même ?
Montréal serre la vis
Tel que rapporté par Henri Ouellette-Vézina dans La Presse (30 janvier 2025), Montréal a annoncé sa volonté de bannir presque totalement les locations de type Airbnb (31 jours et moins) dans les résidences principales, à l’exception d’une période estivale (du 10 juin au 10 septembre) et de quelques événements comme le Grand Prix de Formule 1. Cette décision, qui découle de situations persistantes où plusieurs annonces n’étaient pas conformes aux normes, s’explique également par le fait que la crise du logement affecte fortement Montréal. Selon la mairesse Valérie Plante, récupérer environ 4000 logements accaparés par la location touristique est devenu un impératif pour freiner la crise.
« Il y a trop de personnes qui réussissent encore à abuser du système »,
– Valérie Plante, mairesse de Montréal
Comme le souligne Henri Ouellette-Vézina dans un second article publié le 31 janvier 2025, la nouvelle réglementation s’accompagne de fortes amendes (de 1000 $ à 2000 $ par nuit de location illégale) et d’un rehaussement du nombre d’inspecteurs municipaux. Plusieurs acteurs ont aussitôt réagi :
Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) y voit une façon de contrer la « commercialisation » des logements, tout en craignant que les unités libérées ne soient pas nécessairement abordables.
Caroline Proulx, ministre du Tourisme du Québec, craint un retour du « Farweb », c’est-à-dire des locations illégales opérées en ligne.
Airbnb qualifie la mesure de « trop extrême » et redoute un impact négatif sur l’économie locale.
L’Association hôtelière du Grand Montréal salue cette réglementation, la voyant comme un moyen de réduire la concurrence déloyale et de mieux protéger les touristes.
Laval, une région touristique en pleine croissance : peut-elle se permettre une telle mesure ?
Laval, souvent considérée comme une région touristique majeure au Québec, attire chaque année des milliers de visiteurs, notamment pour ses activités commerciales et ses événements culturels. Selon le Rapport annuel 2023 de Tourisme Laval, la région a accueilli 1 748 683 touristes en 2023, générant des dépenses touristiques de 112,4 millions de dollars. Le taux d’occupation hôtelier a atteint 73,7 %, un chiffre impressionnant qui témoigne de l’attractivité de la région.
- Logements : Malgré un record de mises en chantier en 2024, la demande en logements abordables continue de dépasser l’offre.
- Population : La population lavalloise a augmenté de manière significative ces dernières années, exacerbant la pression sur le marché locatif.
Les réactions des acteurs lavallois
À l’heure actuelle, deux acteurs lavallois se sont exprimés sur le sujet, et d’autres nous ont signalé qu’ils s’exprimeront bientôt à ce propos.
Le cabinet du maire : pas d’interdiction à l’horizon
Interrogée sur la possibilité d’interdire les locations de type Airbnb à Laval, Gabrielle Brais Harvey, directrice des communications du bureau du maire, a répondu par courriel :
« On ne planifie pas bannir les plateformes de location courte durée comme Airbnb à Laval. […] À Laval, nous privilégions l’approche d’accélérer la construction d’unités d’habitation pour nous attaquer à la crise du logement, et celle-ci porte ses fruits […] »
De plus, Gabrielle Brais Harvey rappelle que la location touristique est déjà encadrée par le Code de l’urbanisme, et dit privilégier une stratégie axée sur l’augmentation de l’offre de logements et l’accélération des permis de construction pour faire face à la crise. Des mesures supplémentaires visant à assurer l’accessibilité et l’abordabilité du marché locatif sont également annoncées pour les prochains mois.
Pierre Anthian, l’Irréductible lavallois : un plaidoyer pour l’encadrement
De son côté, Pierre Anthian, figure militante à Laval depuis plus d’une décennie, défend lui aussi l’idée que la location de courte durée ne devrait pas être bannie, mais plutôt mieux réglementée :
« Interdire la location de courte durée pénaliserait économiquement notre ville et ne règlerait pas forcément la crise du logement […]. Alors l’encadrer ? Absolument ! Mais il faudrait s’assurer que Laval se donne les moyens d’appliquer la réglementation. »
Il souligne également qu’un simple règlement « sur papier » ne sera pas suffisamment dissuasif si les ressources d’inspection ne suivent pas.
Pour Pierre Anthian, bannir les plateformes de location courte durée reviendrait à pénaliser Laval sur le plan économique, sans résoudre la crise du logement. Il préconise plutôt un encadrement rigoureux, soutenu par des ressources suffisantes afin de faire respecter la réglementation et d’éviter les abus ou les drames que la location illégale pourrait provoquer.
D’autres intervenants : prudence ou silence
Plusieurs acteurs lavallois qu’il s’agisse d’élus, d’organismes communautaires ou de représentants provinciaux n’ont pas encore fait connaître leur position ou préfèrent attendre avant de se prononcer. De l’avis de certains observateurs, le sujet s’avère polarisant, tant sur le plan de l’impact économique potentiel que sur la protection des locataires et la lutte contre la crise du logement à Laval.
Réflexion : encadrer plutôt qu’interdire ?
Alors que Montréal opte pour une interdiction presque totale, Laval semble privilégier une approche plus nuancée, basée sur l’encadrement existant et l’accélération de la construction de logements. Comme le souligne Pierre Anthian, une réglementation sans moyens de contrôle adéquats risque de rester inefficace. Cependant, l’administration lavalloise mise sur une augmentation significative des permis de construction pour répondre à la crise du logement, tout en promettant de nouvelles mesures pour protéger l’accessibilité des logements.
Conclusion : et si Laval faisait de même ?
La question demeure, Laval finira-t-elle par adopter des mesures similaires à Montréal pour éviter un afflux d’unités Airbnb sur son territoire ? Pour l’instant, la Ville se dit confiante dans sa réglementation existante et ne croit pas nécessaire de bannir les locations de courte durée.
Toutefois, la crise du logement et la croissance démographique lavalloise pourraient intensifier la pression au cours des prochaines années. Le débat s’avère donc loin d’être clos. Certains acteurs ont déjà fait connaître leur position, d’autres hésitent encore, et certains préfèrent ne pas commenter. Les décisions qui seront prises ou non dans les mois à venir pourraient profondément remodeler le paysage de la location touristique à Laval, tout comme elles pourraient influencer la disponibilité et l’abordabilité du parc locatif.
À suivre : Les prochaines prises de position des élus, des groupes communautaires et des citoyens lavallois viendront éclairer les suites de ce dossier. De nouvelles annonces municipales pourraient survenir pour protéger l’accessibilité au logement, tandis que la réglementation montréalaise fera la preuve ou non de son efficacité à combattre la crise et à « ramener » les logements vers le marché locatif.