Un début d’année mouvementé au conseil municipal de janvier : la Fraternité des policiers dénonce l’incompréhension dans la fermeture de postes de quartier

Conseil municipal du 14 janvier: un premier rendez-vous chargé en ce début d’année
Le conseil municipal du 14 janvier 2025 à Laval a été le théâtre de débats particulièrement animés. Entre les négociations policières au point mort, la fermeture controversée de comptoirs de service, la relance d’un projet immobilier estimé à 150 M $ qui traîne depuis 2004, l’abandon de la Cité du cinéma Trudel et l’adoption de la construction d’une nouvelle cour municipale, les citoyens sont venus en grand nombre poser leurs questions. L’opposition et l’administration du maire Stéphane Boyer ont alors échangé de vives critiques. En ce début d’année électorale, à l’approche du scrutin de novembre qui s’annonce tendu, nous vous proposons un retour sur les moments forts de ce conseil municipal de janvier, diffusé en webdiffusion sur le site de la Ville de Laval.
La Fraternité des policiers dénonce un blocage
Lors de la période de questions, Sylvain Tardif, président de la Fraternité des policiers de Laval, a rappelé que 720 policiers lavallois sont sans convention collective depuis le 1er janvier 2024. «Les négociations avec la Ville, bien qu’entamées activement, ont ralenti significativement depuis mai 2024», a-t-il déclaré, soulignant que la criminalité s’est accentuée ces dernières années: selon le rapport annuel 2023 du Service de police, les affaires criminelles ont bondi de 28% depuis 2019 pour atteindre 18 188 cas. M. Tardif a aussi rapporté que «les décharges d’armes à feu ont doublé en 2024 comparativement à 2023», tandis que les crimes liés à l’extorsion auraient augmenté de 44% en deux ans et que les fraudes se situeraient 37% au-dessus de leur niveau de 2021. Il juge que ces tendances, combinées à une crise de santé mentale, alourdissent considérablement la charge de travail des policiers, qui œuvrent «en première ligne». Pour dénoncer l’impasse des négociations, la Fraternité a mené plusieurs actions de visibilité depuis septembre. L’organisme conteste également la fermeture des comptoirs STOS et l’abolition de postes conventionnés, jugeant ces décisions contraires aux besoins de proximité avec la population.
L’opposition s’étonne de la fermeture de nouveaux comptoirs
Isabelle Piché, conseillère municipale de Saint-François et membre d’Action Laval, s’est dite abasourdie par la disparition du centre de services promis à l’Espace citoyen des Confluents, dans son propre district: «Le centre de services de l’est est à peine ouvert qu’on le coupe déjà, donc il n’a jamais été ouvert. J’étais persuadée qu’on réglait encore des détails techniques, puis j’ai réalisé que c’était finalement des coupures et l’abolition du service.» Elle reproche à l’administration Boyer d’investir massivement au centre-ville «pour des grandes annonces tape-à-l’œil» tout en négligeant les quartiers où les citoyens auraient davantage besoin d’un contact direct avec la police.
De son côté, Claude Larochelle, chef intérimaire de Parti Laval et conseiller de Fabreville, s’est dit «extrêmement surpris» lors de l’inauguration du même Espace citoyen, voyant un poste de police flambant neuf fermé au public et orné d’une affichette redirigeant les gens vers le 911. «Je ne comprends pas en termes de services aux citoyens et de sentiment d’insécurité pourquoi on a fermé ces comptoirs. On vient de bâtir un beau centre communautaire avec bibliothèque, et on ne peut même pas y trouver de poste de police fonctionnel», a-t-il déploré. Il souligne également qu’un poste de quartier à Sainte-Rose a subi le même sort en 2024, laissant les résidents devant une porte close.
Le maire Boyer plaide pour un redéploiement efficace
Le maire Stéphane Boyer, remerciant M. Tardif pour sa question, a d’abord reconnu que la criminalité se transforme, notamment par «une restructuration du crime organisé depuis la pandémie». Il a ensuite défendu la réforme engagée à partir de 2019: «On a fermé les postes de quartiers qui, en moyenne, accueillaient 4 personnes par jour, souvent pour des rapports de vol qui peuvent être faits en ligne. On préfère libérer les effectifs afin de mettre plus de policiers sur les routes.» Selon lui, la Ville a récupéré 20 000 heures de travail depuis la fermeture de ces comptoirs, en plus d’avoir embauché une centaine de nouveaux policiers et employés civils en deux ans. Il maintient que ces changements ne découlent pas de la négociation, mais d’une stratégie visant à mieux utiliser l’argent public. Il n’a toutefois pas répondu directement aux questions concernant la situation particulière du centre de l’Espace citoyen des Confluents.
Pierre Anthian réclame des réponses sur la candidature du maire
En deuxième question, «l’irréductible lavallois» Pierre Anthian, activiste et chef du parti Ma ville maintenant, a rappelé qu’il avait déjà demandé au maire s’il comptait se représenter aux élections municipales à venir. M. Boyer a de nouveau esquivé, répliquant simplement que M. Anthian étant lui-même candidat, il n’entendait pas se prononcer pour l’instant. M. Anthian a par ailleurs souligné une «victoire citoyenne» sur le changement d’un sens unique dans l’avenue Legrand, avant de soulever la controverse autour du réaménagement du boulevard Laurier, qui aurait retiré la totalité des places de stationnement pour des immeubles de 2 à 4 étages sans consultation préalable.
Suite au conseil il a réagit:
L’improvisation est toujours une mauvaise conseillère. L’administration Boyer semble avoir du mal à coordonner les projets par manque de vision. Par exemple une cour municipale de 60M$ sur le stationnement de l’hôtel de ville rénové au coût de 55M$, ça aurait mérité qu’on envisage jumeler les projets pour construire une nouvelle mairie digne d’une ville en pleine expansion comme Laval, avec une cour municipale intégrée et des espaces à bureaux plus nombreux que ceux qu’on trouve actuellement dans l’étroitesse d’un ancien hôtel de ville de quartier, qui oblige la Ville à louer des locaux ailleurs pour faire travailler ses fonctionnaires. Pierre Anthian
Réactions à propos de la consultation et des aménagements
Claude Larochelle a réitéré l’importance de mener des consultations adéquates: «On sait que Piétons Québec et Vivre en ville déconseillent souvent les sens uniques, parce que ça peut entraîner un détour plus long pour les résidents. Je crois qu’il faut s’asseoir avec le service de génie, les citoyens, et déterminer les objectifs de sécurité ou de mobilité avant de foncer dans un projet qui étonne tout le monde.» Alexandre Warnet, conseiller de Laval-des-Rapides, a lui remercié les gens d’être venus partager leurs observations et a reconnu que la solution n’était «peut-être pas parfaite», tout en se disant ouvert à ajuster les aménagements.
Un projet immobilier de 150 millions attend toujours depuis 2004
Un citoyen représentant un groupe de propriétaires a ensuite interpellé la Ville au sujet d’un projet immobilier en suspens depuis vingt ans sur la rue Cyril-Delage. Il rappelle que les promoteurs ont investi dans les infrastructures, que les coûts sanitaires sont déjà couverts et qu’en mars 2023, l’administration Boyer s’était engagée à terminer les travaux. Pourtant, en novembre 2024, il a appris que la Ville attendrait désormais les «intentions» des promoteurs. «Ça fait 20 ans qu’on attend après la Ville. Nos plans sont déposés, et on parle d’un investissement de 150 millions de dollars pour 235 constructions», a-t-il insisté.
David De Cotis (Action Laval, Saint-Bruno) a exprimé son soutien en insistant: «Avec près de 2 millions de dollars de taxes municipales que vous avez payés jusqu’à maintenant, vous méritez une réponse, vous méritez d’être respectés. Vous avez rempli toutes les exigences et ne devriez pas être ici aujourd’hui. L’administration Boyer ne fait pas sa job et dort au gaz.»
Claude Larochelle, qui dit avoir rencontré M. Guilbeault (le représentant du projet), parle d’«un exemple de patience inouïe» de la part du promoteur.
Le maire a répliqué en évoquant l’époque Vaillancourt, «où on construisait parfois n’importe comment, sans plan précis», et mentionne qu’une étude complète a été nécessaire et n’a été finalisée qu’en 2025.
La nouvelle cour municipale à 60 millions fait réagir
Le dernier point marquant du conseil a été l’adoption, à la majorité (12 pour, 7 contre), d’un projet de construction d’une cour municipale évaluée à près de 60 millions de dollars. Claude Larochelle la juge «trop ambitieuse et trop coûteuse»: selon lui, l’endettement municipal «va plus mal d’année en année» et ce n’est pas le moment pour un tel investissement. David De Cotis dénonce une «cour municipale de luxe» et craint que la Ville ne doive s’endetter encore davantage, faute de liquidités disponibles. Louise Lortie (Parti Laval) estime que «c’est un choix politique» et qu’il vaudrait mieux investir dans des mesures pour protéger les citoyens de problèmes d’infiltration d’eau ou d’autres besoins urgents.
Nicholas Borne (Mouvement lavallois, Laval-les-Îles) se dit fier du projet, considérant que Laval «bâtit pour les 50 prochaines années» et que la nouvelle cour deviendra un «projet phare».
Le maire Boyer, répondant aux critiques de l’opposition, a eu ces mots:
«C’est toujours facile de dire on veut moins de taxes, plus de services, moins d’employés. Il faut offrir des infrastructures décentes aux employés. La cour actuelle est un bâtiment vétuste, clôturé parce qu’il y a des briques qui tombent, où les employés se font voler leur lunch par des rats, et il y a des nids d’écureuils dans les toits.»
Selon lui, la nécessité de remplacer l’édifice actuel ne peut plus être reportée.
Des enjeux multiples pour l’année à venir
Au terme de ce premier conseil municipal de 2025, les divergences demeurent vives. La Fraternité des policiers maintient la pression en réclamant une entente rapide, tandis que les oppositions accusent l’administration Boyer de prendre des décisions unilatérales concernant la fermeture de comptoirs et l’affectation des ressources. Sur le plan économique, l’aval donné à une cour municipale à 60 millions divise fortement, tandis qu’un important projet immobilier reste en «stand-by» depuis deux décennies. Les prochains mois seront déterminants pour la suite des négociations policières et la concrétisation des différents projets discutés lors de cette séance.