Début de chantier du parc Pie-X mais toujours des incohérences
Le Parc Pie-X, situé au cœur du quartier Souvenir-Labelle à Laval, fait l’objet d’un important projet de réaménagement initié par la Ville de Laval. Bien que ce projet promette de moderniser et d’améliorer significativement les infrastructures du parc, il suscite également des inquiétudes parmi les résidents locaux. Les points de vue divergent entre l’administration municipale, qui met en avant les bénéfices du projet, et les citoyens, qui soulignent des incohérences et un manque de consultation.
Voici donc un dossier complet sur le sujet.
Un projet de modernisation ambitieux
Lors de la séance du conseil municipal du 10 septembre 2024, la Ville de Laval a approuvé l’adjudication du contrat pour le réaménagement du Parc Pie-X à la firme CIBS, pour un montant de 22 685 499,61 $. Ce projet est soutenu par une subvention de 13 482 914 $ du gouvernement du Québec, l’une des plus importantes accordées dans le cadre du PAFIRSPA, le maximum étant de 20 000 000 $ par projet. Les travaux, qui ont déjà commencé cet automne dans le parc, se poursuivront jusqu’en 2026.
Les principales améliorations prévues incluent :
- Construction d’une nouvelle piscine, incluant une pataugeoire et des jeux d’eau.
- Création de la première patinoire extérieure réfrigérée et couverte à Laval, intégrant des espaces pour le basketball et le pickleball.
- Aménagement d’une aire de jeux moderne, inclusive et universellement accessible.
- Zone dédiée aux adolescents, élaborée en consultation avec plus de 150 jeunes du secteur.
- Ajout d’un terrain de soccer en surface synthétique, suite à une consultation auprès des utilisateurs en 2022.
- Réaménagement des passages urbains, pour améliorer la sécurité et l’accessibilité.
- Installation de sentiers universels éclairés.
- Ajout de mobiliers confortables et universels.
- Bonification de la canopée du parc, avec davantage d’arbres et de verdure.
Sandra El-Helou, conseillère municipale de Souvenir-Labelle, a exprimé son enthousiasme :
« <Offrir des installations sportives et récréatives à la hauteur des besoins des citoyens de Souvenir-Labelle est l’une de mes grandes priorités. Ce sont des milliers de familles qui profiteront d’un parc réinventé, animé et multifonctionnel, ancré au cœur de leur milieu de vie.
Isabelle Charest, ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, a ajouté :
Les investissements que nous réalisons dans les infrastructures récréatives, sportives et de plein air démontrent notre engagement à améliorer la santé physique et mentale de la population. Je suis heureuse pour l’ensemble de la communauté de Laval, qui pourra profiter de ces installations.
Préoccupations et inquiétudes des citoyens
Malgré les promesses du projet, un comité de citoyens a exprimé des préoccupations concernant plusieurs aspects du réaménagement.
Manque de consultation publique
Les résidents déplorent le manque de consultation publique dans l’élaboration du projet. Selon eux, la seule consultation menée a été réalisée auprès de jeunes présents dans le parc durant l’été 2022, sans impliquer l’ensemble des résidents du quartier ni les groupes utilisateurs du parc.
Un membre du comité citoyen déclare :
Si nous avions été consultés dès le départ, nous aurions pu travailler ensemble pour trouver des solutions bénéfiques pour tous. Au lieu de cela, nous nous sentons ignorés et mis de côté.
Inquiétudes sur l’élargissement des passages urbains
L’un des principaux points de discorde concerne l’élargissement prévu de cinq passages urbains sur six, passant de 6 pieds à 28 ou 30 pieds de largeur. Les citoyens proposent une largeur uniforme de 24 pieds pour tous les passages, un chiffre qui provient de l’un des passages qui aura cette ouverture nette en maintenant une partie d’une haie.
Christian Veilleux, résident et membre actif du comité citoyen, explique :
Nous ne comprenons pas pourquoi certains passages sont inclus dans le projet et d’autres non. Le sixième passage, pourtant essentiel pour de nombreux résidents, est exclu sans explication claire. Il est aménagé de la même manière que les autres passages et représente donc, selon l’interprétation de la Ville, tout autant que les cinq autres passages, les mêmes risques pour la sécurité des utilisateurs et les mêmes difficultés d’accessibilité et d’entretien des services publics. Cette incohérence crée un sentiment de discrimination dans notre communauté.
Risques pour la santé et la sécurité
Les résidents s’inquiètent également des risques potentiels liés à l’élargissement des passages. Ken Williot a réalisé une analyse détaillée des 16 propriétés qui longent les passages, révélant que les futures clôtures seront installées à moins de 2 mètres de plusieurs de ces résidences. Cela soulève des préoccupations concernant l’exposition à la fumée secondaire, au bruit, au flânage et aux risques d’incendie.
Un incident antérieur, survenu il y a plus de 15 ans, a été rapporté où un début d’incendie a été déclenché par un mégot de cigarette mal éteint dans un passage urbain, menaçant les habitations voisines. Les résidents craignent que de tels incidents puissent se reproduire, avec des dangers accrus en raison de la proximité des nouvelles clôtures.
Face à ces préoccupations, la Ville a indiqué étudier la possibilité d’interdire de fumer dans les passages urbains. Les citoyens saluent cette initiative, mais souhaitent des garanties supplémentaires, notamment en matière de surveillance et d’entretien.
Réponses jugées insuffisantes de la Ville
Lors des séances du conseil municipal des 10 septembre et 1er octobre 2024, les citoyens ont posé des questions précises à l’administration. Cependant, ils estiment que les réponses obtenues sont souvent vagues ou incomplètes.
Christian Veilleux souligne :
« Nous avons l’impression que nos préoccupations ne sont pas prises au sérieux. Par exemple, sur la question de la sécurité dans les passages élargis, la réponse de la Ville était trop vague. Il n’est pas clair si des mesures supplémentaires seront mises en place pour assurer notre sécurité. »
Certains citoyens estiment que le maire fait preuve de « langue de bois », évitant de répondre directement aux interrogations soulevées.
Rencontres individuelles avec les résidents
Lorsque la Ville a rencontré les résidents pour discuter des compromis possibles, elle a choisi de le faire individuellement plutôt qu’en groupe. Cette approche a été mal perçue par certains, qui y voient une stratégie pour éviter une opposition collective.
Christian Veilleux déclare :
« En nous rencontrant un par un, la Ville a empêché une discussion collective où nous aurions pu unir nos voix. Cela crée un sentiment d’isolement et empêche une réelle concertation. »
Application du droit de préemption
Un autre point de tension concerne l’application du droit de préemption sur des résidences unifamiliales habitées. En juillet 2023, quatre propriétaires ont reçu un avis de préemption, créant incertitude et stress. Suite aux revendications des citoyens et au soutien des partis d’opposition, ces avis ont été annulés lors de la séance du Conseil du 7 mai 2024, avec une confirmation reçue par les propriétaires en juillet 2024.
Cependant, la liste initiale des 84 cadastres concernés ne semble toujours pas avoir été formellement révisée, malgré les assurances du maire. Les résidents restent inquiets, d’autant plus que personne dans le public ne connaît les « exceptions » mentionnées par la Ville dans l’une des réponses reçues. Ils craignent que ce droit puisse être réappliqué à tout moment, non seulement à Laval, mais aussi ailleurs au Québec.
Perspectives de la Ville
De son côté, la Ville de Laval affirme que le projet vise à moderniser le parc pour le bénéfice de tous les citoyens et que les travaux sont nécessaires en raison de la vétusté des installations actuelles. Cependant, les citoyens estiment que cette vétusté est le résultat de la négligence de la Ville, qui n’a pas offert de garanties sur le maintien des futures installations pour éviter de revenir à la case départ dans 10 à 15 ans.
Sur la question de la sécurité dans les passages élargis, la Ville a mentionné que l’élargissement offrirait une meilleure visibilité, assurant ainsi la sécurité des usagers. Toutefois, les citoyens notent que cet argument devrait également s’appliquer au sixième passage, pourtant exclu du projet, bien qu’il soit identique aux cinq autres.
Concernant l’installation de caméras de surveillance, la Ville a indiqué qu’il n’y en aurait pas dans les passages urbains pour des raisons de « respect de la vie privée », malgré le fait que ces passages soient des lieux publics et qu’il existe des technologies permettant de respecter la vie privée tout en assurant la sécurité. Jusqu’à présent, la Ville a toujours répondu qu’il n’y aurait pas de caméras dans les passages, et les citoyens restent préoccupés par l’absence de mesures de surveillance.
Les plans détaillés du réaménagement, notamment des passages urbains, n’ont pas été rendus publics. Les citoyens n’ont eu accès qu’à un petit croquis du parc réaménagé, et une esquisse extrêmement sommaire des passages urbains a été montrée lors des rencontres individuelles à ceux qui ont insisté, sans qu’aucune copie ne soit disponible. Cette absence de transparence alimente la frustration et les inquiétudes des résidents.
Nouvelles initiatives citoyennes
Dépôt d’un mémoire au ministère
Le 23 octobre 2024, le comité de citoyens a envoyé un mémoire intitulé « À propos de l’utilisation du droit de préemption » à la ministre Andrée Laforest des Affaires municipales et de l’Habitation. Dans ce document, ils visent trois objectifs :
- Rappeler le contexte d’application du droit de préemption sur les propriétés de leur quartier lavallois.
- Décrire ce qui leur semble être une utilisation contraire à l’esprit de la Loi no 37, sanctionnée en juin 2022.
- Proposer à la ministre d’amender la loi pour en préciser les balises d’application, afin d’exclure toute résidence unifamiliale habitée et entretenue, non seulement à Laval, mais partout au Québec et sous toute administration municipale.
Le mémoire a également été envoyé en copie conforme à plusieurs personnalités politiques, dont Mme France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation, et M. Stéphane Boyer, maire de Laval. Les citoyens espèrent que cette initiative mènera à des changements législatifs pour protéger les propriétaires.
Rencontre avec la députée Sona Lakhoyan Olivier
Les représentants du comité citoyen ont également rencontré Mme Sona Lakhoyan Olivier, députée de la circonscription de Chomedey, le 21 octobre 2024. Prévue pour durer une trentaine de minutes, la rencontre s’est étendue sur près de deux heures en raison de l’intérêt marqué de la députée pour les préoccupations des citoyens.
Après une heure de discussion en compagnie de l’une de ses collaboratrices, Mme Sona Lakhoyan Olivier a, selon les citoyens, bondi de sa chaise et s’est rendue sur place avec eux pour mieux comprendre les enjeux. La visite a eu lieu au Parc Pie-X, où la députée s’est montrée très motivée et engagée à en savoir plus concernant les enjeux en question. Elle a pu constater par elle-même les spécificités du site et les incohérences décrites, y compris le sixième passage, la largeur du passage Parc et la rue Cardinal à 24 pieds, ainsi que les zones concernées par les travaux.
Lors de cette rencontre, tous les sujets litigieux ont été abordés selon le comité citoyen :
- Droit de préemption : Envoi et annulation des avis, mémoire à la ministre, possibilité d’une pétition à l’échelle du Québec.
- Absence de consultation préalable : Exclusion des citoyens et des groupes utilisateurs, contradictions avec les exigences du développement durable, incohérences dans le traitement des passages urbains, absence de plans détaillés pour le public.
- Risques pour la santé et la sécurité : Proximité des nouvelles clôtures, fumée secondaire, risques d’incendie, absence de garanties sur l’entretien et la surveillance.
- Utilisation de fonds publics : Sur un budget total d’environ 23 000 000 $, 13,4 M$ proviennent de fonds publics québécois.
Ils ont également discuté de la disparition annoncée de la Bibliothèque multiculturelle du boulevard Chomedey, qui sera remplacée par deux « points de service » en attendant l’ouverture de nouvelles installations. Mme Lakhoyan Olivier a montré un intérêt particulier pour ce sujet et s’est rendue sur le site de la bibliothèque pour mieux saisir l’enjeu.
Vers une collaboration renouvelée ?
Alors que les travaux doivent s’étendre jusqu’en 2026, les citoyens espèrent que la Ville tiendra compte de leurs préoccupations et engagera un dialogue plus constructif. Cependant, ils restent sceptiques quant à la volonté réelle de la Ville de collaborer, d’autant plus que les travaux ont déjà commencé dans le parc et que la communication demeure limitée.
Un membre du comité citoyen affirmé par communiqué :
« Nous ne sommes pas opposés au projet en soi. Nous souhaitons simplement être inclus dans le processus décisionnel pour que le réaménagement réponde réellement aux besoins de toute la communauté. »
Lors de ce dossier, on remarque beaucoup d’incohérences qui auraient pu être écartées si les citoyens avaient été consultés. Sauf que, comme il l’a précisé à de nombreuses reprises lors des conseils municipaux, la ville a préféré apparamment rencontrer des jeunes avec des iPads pour leur demander leur avis sur le réamenagement du parc, la version facile selon eux, plutôt que de venir directement à la rencontre de ceux qui allaient en être le plus affectés. Par la suite, ils ont, selon le comité, envoyé un haut responsable pour réparer les pots brisés, un peu en retard après que le projet avait été annoncé.