La bibliothèque sacrifiée : Une chronique d’Halloween par Pierre Anthian
AVERTISSEMENT: cette chronique raconte une histoire d’horreur.
C’est un récit qui fera pleurer les enfants. Surtout les milliers qui fréquentaient la plus grande bibliothèque de Laval: la bibliothèque multiculturelle.
Nous sommes en 2013. Je dis »nous » puisqu’à ce moment-là nous faisions partie de la même équipe avec Marc Demers et Stéphane Boyer.
Alors pressenti pour être candidat au poste de conseiller municipal dans Duvernay-Pont-Viau, Stéphane Boyer milite aux côtés de la mobilisation citoyenne »Pas de tours dans ma cour » pour empêcher le projet du Commodore, qui précisons-le prévoyait la construction de 2 tours à condos sur le terrain de la Marina du Commodore.
C’était à l’époque où Gilles Vaillancourt régnait en maître sur Laval, avec des complices comme le directeur général de la Ville et le directeur du service de l’ingénierie, pour octroyer toutes sortes de contrats publics ou autres leur générant des avantages financiers. Ce qui leur a valu d’être condamnés à des peines de prison.
Sauf que tous les projets immobiliers de l’époque ne pouvaient pas être mis dans le même sac. Mais surtout tous les autres fonctionnaires de la Ville qui étudiaient les dossiers et en délivraient les permis ne pouvaient pas être tous corrompus. La preuve: l’administration Demers-Boyer les a gardé lorsqu’elle a été élue en novembre 2013.
En plus de garder la plupart des fonctionnaires il fallait qu’ils gardent aussi leur promesse: c’est comme cela que le permis pour les 2 tours sur la Marina du Commodore a été retiré aux promoteurs.
Mais Marc Demers, qui a engagé plus d’un million de dollars des contribuables en frais d’avocats, nous assurait que dans ce dossier il avait de »solides assises juridiques ».
S’en est suivie une saga politico-juridique de 6 ans au cours de laquelle la Ville de Laval était poursuivie pour 66M$ (la plus importante poursuite jamais vue)
En 2020, alors que le procès battait son plein, comment s’inquiéter de son issue puisque d’après Marc Demers nous avions »les assises juridiques solides ».
Sauf que la veille du jour où Marc Demers et Stéphane Boyer devaient se présenter à la barre comme témoins et à la demande des procureurs des promoteurs, un règlement hors cour a été trouvé in extremis entre les 2 parties.
Cet arrangement prévoyait de remettre une compensation de 10M$ aux promoteurs, ainsi que les terrains de la Maison du commerce et de la bibliothèque multiculturelle, pour y construire le projet refusé 10 ans plus tôt. Sauf qu’au lieu de bâtir 328 condos, la nouvelle mouture permettrait d’en construire 670.
Quelle humiliation pour notre ville qui se disait pourtant avoir de solides assises juridiques dans ce dossier!
Nous avons tout perdu: 10M$, la bibliothèque, la face.
Mais je vous rassure, on a pas tout perdu: Stéphane Boyer a gagné ses élections de 2013, 2017 et 2021 avec une très confortable avance sur ses adversaires politiques.
Dans quelques jours c’est l’Halloween. Vous pourriez afficher quelques photos de la bibliothèque multiculturelle sous le pic de la démolition parmi vos décors d’horreur: les enfants seront effrayés. C’est garanti.
Une chronique de Pierre Anthian, ancien conseiller municipal de Laval-des-Rapides et surnommé « l’irréductible Lavallois ».