Chronique de Christian Veilleux : Le Carré Laval, ambitieux et stimulant, mais…
Imaginé dans les années 1970 par l’ancien maire de Laval, le Dr Lucien Paiement, le projet d’aménager le Carré Laval autour de l’ancienne carrière Lagacé semble finalement lancé.
Pour faire suite à une première séance de consultation publique tenue le 24 septembre 2024, des membres de l’équipe projet ont organisé une première visite publique du site, le 5 octobre dernier. J’y suis allé par curiosité.
J’avoue d’emblée qu’il est impressionnant de se trouver sur un site de 42 hectares inutilisés en plein cœur de Laval – un site plus grand que le parc La Fontaine de Montréal (36 ha) et presque aussi vaste que le Centre de la Nature (50 ha) à Laval. Au départ utilisé à des fins agricoles avant les années 1940, ce terrain est devenu une carrière pour permettre l’urbanisation du territoire de l’île Jésus. Cette carrière ayant cessé ses opérations en 1976, le site a été partiellement remblayé depuis (notamment par le roc provenant du prolongement de la ligne de métro Orange à Laval) et a servi de dépôt à neige jusqu’à l’hiver 2022-2023.
Plusieurs se rappellent sûrement la montagne de neige et de glace qui ne disparaissait qu’avec les plus fortes chaleurs de juin et juillet…
Le projet actuel est ambitieux : bordé par le boulevard St-Martin (au nord), la rue Daniel-Johnson (à l’ouest), le boulevard du Souvenir (au sud) et l’autoroute des Laurentides (à l’est), le site est notamment appelé à recevoir 3 500 logements, une école primaire, peut-être même une école secondaire, des commerces, des installations de recherche dans un parc de l’innovation. Une superficie de quelque 22 hectares serait réservée aux espaces verts, ceinturant le joyau du lieu qu’est devenue la carrière.
Cette carrière est impressionnante avec ses falaises de quelque 10 mètres de hauteur où niche au moins un couple de faucons pèlerins, un « lac » presque aussi profond, un petit marais dans sa portion nord (près du boulevard St-Martin) où nous avons aperçu pendant un instant trop court un cormoran venu s’y reposer, et une pente douce sur sa face sud qui pourrait être le point de départ de quelques activités nautiques, canot ou pédalo par exemple. Car l’eau de ce bassin de rétention qui recueille les eaux de pluie des environs et notamment celles en provenance de l’autoroute 15, et dont le niveau est régularisé par des pompes afin d’éviter d’inonder le stationnement en contre-bas du palais de justice, n’est pas si dégradée qu’on pourrait le croire. Il lui manque surtout un bon apport en oxygène qui, aux dires des spécialistes, pourrait être compensé par divers aménagements paysagers (plantes aquatiques, etc.). Pourquoi pas une passerelle qui longerait l’une des falaises pour observer ce mur gigantesque de pierre calcaire ?
Le parc autour de la carrière comporterait peu de plateaux sportifs pour éviter de reproduire ce que trop souvent nos petits parcs de quartier sont devenus - comme le parc Pie-X en voie d’être rénové et bien rempli de terrains de soccer, patinoire réfrigérée, piscine, jeux pour enfants ou adolescents, et que les experts présents lors de la visite ont nommé pour indiquer que le parc du Carré Laval devrait être orienté pour qu’un maximum de personnes puissent en bénéficier en même temps.
Il n’en demeure pas moins que l’un des enjeux principaux du projet est l’accessibilité des lieux et la priorisation de la verdure. Les plans actuels montrent plusieurs bâtiments pour loger des citoyens et d’autres à des fins de recherche. Par contre, ils sont concentrés sur le pourtour du terrain, cachant une bonne portion du futur parc. Cela me semble fort étrange, car on a appliqué un droit de préemption sur 4 résidences bordant le parc Pie-X, dans mon quartier, prétextant vouloir « ouvrir » le parc jugé enclavé par des rangées de maisons et l’aréna Pierre-Creamer. Pourquoi 60 ans plus tard, n’aurait-on pas appris à ouvrir le parc du Carré Laval dès sa conception ?
Il semble que la zone « constructible » soit limitée là où il n’y a eu aucun remblayage de manière à établir des fondations sur du roc solide à faible profondeur. Certes, mais il serait possible de créer des ouvertures sur les rues principales en forme d’entonnoir pour valoriser le « végétal » sur le « minéral » ou d’imaginer des constructions un peu pyramidales : de faible hauteur en bord de rues et plus hautes quand on s’en éloigne. Ces idées ont été notées par le personnel présent.
L’accessibilité du lieu implique aussi l’usage de la voiture qu’on veut limiter. Pour le moment, le projet prévoit moins d’une voiture par logement, aucune rue en surface, et aucun stationnement d’importance sur le site même. L’équipe projet entend promouvoir le transport actif (vélo, etc.), des alternatives à l’utilisation de la voiture solo (de type CommunAuto ou autres, etc.), et l’usage de stationnements environnants extérieurs au site du Carré Laval. Cependant, comme plusieurs personnes l’ont fait remarquer, comment se déplacer entre le Carré Laval et divers lieux de Laval (tel que le Carrefour Laval pour n’en nommer qu’un) ou vers Montréal (une station de métro est bien envisagée, mais elle est loin dans la liste de priorités du gouvernement du Québec) et comment accueillir des visiteurs – familles et amis avec enfants et tout le bagage ? Autant de défis de logistique sur lesquels les experts ont promis de se pencher.
Même si les défis sont nombreux, le projet démarre. Une entente avec la Société de Développement Angus signée récemment prévoit notamment la construction d’un premier groupe de 1 000 logements, dont la moitié à loyer modique, à l’angle des rues Daniel-Johnson et des Châteaux.
La majorité des terrains (85 % pour être plus précis) appartiennent à la Ville. Il est donc vital, à mon avis, que la Ville établisse des critères élevés en matière environnementale et de développement durable pour ces bâtiments.
C’est le temps de dire ce que vous en pensez ! On critique souvent la Ville – à juste titre selon moi – qu’elle ne consulte pas assez ses citoyens. Cette fois, le projet est d’une envergure telle que l’implication de tous est nécessaire. En vous rendant sur le site web de la Ville (voir le lien ci-dessous), vous pourrez accéder à l’intégralité des présentations faites lors de la Soirée d’information et d’échanges du 24 septembre dernier ; vous aurez accès à une vue interactive de ce à quoi pourrait ressembler le Carré Laval, et vous pourrez également vous inscrire à l’une des dernières visites du site qui sont prévues le samedi 19 octobre, soit en avant-midi, soit en après-midi. Les visites sont gratuites, durent 90 minutes et valent le déplacement ! Soyez assuré qu’une personne reliée au projet note tous les commentaires et toutes les suggestions.
Je vous invite donc à faire cette visite, car ce projet qui s’étalera sur une période de 15 à 25 ans, façonnera le centre-ville de Laval pour les décennies à venir.
Source photos: Christian Veilleux, 5 octobre 2024