Le ROIL dénonce l’adoption du projet de loi 71 : une occasion manquée de freiner l’itinérance, selon eux
L’Assemblée nationale a adopté, le 21 novembre 2024, la loi 71 dans le but d’améliorer l’accompagnement des personnes et de simplifier le régime d’assistance sociale. Selon le gouvernement, cette réforme, portée par la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, n’avait pas été revue depuis vingt ans. Elle vise à offrir aux prestataires un meilleur soutien, une approche plus humaine et à favoriser leur intégration en emploi ou leur participation sociale.
Pourtant, le Réseau des organismes en itinérance de Laval (ROIL) exprime une profonde indignation face à cette adoption, qu’il considère comme une occasion manquée de réellement freiner l’itinérance et d’inverser la tendance actuelle. Le ROIL estime que plutôt que de présenter des mesures de lutte efficaces contre la pauvreté, la loi introduit des mesures d’austérité qui aggraveraient la précarité des personnes vulnérables, y compris celles en situation ou à risque d’itinérance dans la région de Laval.
La vision du ROIL : une détérioration des conditions de vie
Le ROIL dénonce notamment la réduction des allocations pour contraintes temporaires, qui, selon lui, condamne des milliers de Québécois et Québécoises — dont plusieurs Lavallois et Lavalloises — à une précarité accrue. Il rappelle qu’une personne prestataire d’aide sociale de base ne dispose que de 11 245 $ par année, couvrant à peine 46 % des besoins essentiels définis par la Mesure du panier de consommation.
« Comment expliquer que nos élu.e.s aient choisi d’ignorer les besoins fondamentaux de leurs concitoyen.ne.s ? » s’indigne Mathieu Bourgeois, organisateur communautaire au ROIL. « En privant les familles monoparentales et les personnes âgées de ressources essentielles, c’est tout un pan de la population que l’on abandonne à son sort. »
Le ROIL reconnaît certains aspects positifs de la nouvelle loi, tels que la fin du calcul de la contribution parentale et la réduction des délais de prescription, mais estime que ces ajustements mineurs ne sauraient compenser le manque d’écoute envers les groupes représentant les personnes concernées. Il souligne que l’augmentation des gains de travail permis ou la comptabilisation annuelle des revenus, par exemple, auraient constitué des mesures plus concrètes pour encourager l’insertion professionnelle.
L’interdiction de mettre de l’épargne de côté, en vigueur depuis les années 1990, demeure un irritant majeur. Le ROIL estime que rehausser le seuil d’épargne permettrait aux prestataires de mieux faire face aux imprévus. De plus, la notion de vie maritale, inchangée, pénalise les personnes vivant en colocation ou en couple, les exposant à des coupures de prestations injustifiées.
La version du gouvernement : Une approche plus humaine et adaptée
De son côté, le gouvernement défend l’adoption de la loi 71 en insistant sur le contexte d’amélioration globale du régime d’assistance sociale. La ministre Chantal Rouleau affirme que ce cadre modernisé, associé à un meilleur accompagnement et une approche plus humaine, aura un effet positif sur les personnes prestataires. Le gouvernement annonce également son intention de hausser à 25 % le seuil du supplément de revenu de travail, ce qui, selon lui, offrira une plus grande incitation à l’intégration en emploi.
Les modifications comprennent, entre autres, le droit à un plan d’accompagnement personnalisé, la simplification des procédures, la fin du calcul de la contribution parentale et la possibilité d’élargir l’accès au Programme objectif emploi. Ces mesures visent, d’après la ministre, à mieux répondre aux besoins évolutifs des bénéficiaires en tenant compte des réalités socioéconomiques actuelles.
Un appel à l’action du ROIL
Le ROIL, malgré ces arguments gouvernementaux, considère que les changements apportés ne vont pas assez loin et laissent de côté des enjeux essentiels, notamment l’adéquation entre formation et marché du travail, la réduction de la pauvreté, l’accès à un revenu décent et la reconnaissance des divers modes de vie.
Face à ce constat, le ROIL exhorte les élu.e.s à agir sans tarder, demandant à ce que le gouvernement revienne sur certaines décisions. Il réclame notamment une augmentation significative des prestations d’aide sociale afin de réellement soutenir les personnes en situation de vulnérabilité et de mieux prévenir l’itinérance, un phénomène que l’organisme juge en croissance et qui aurait pu être freiné plus efficacement par le projet de loi.
À propos du ROIL
Fondé en 2016, le Réseau des organismes en itinérance de Laval (ROIL) rassemble des organisations engagées auprès de personnes en situation de vulnérabilité, de pauvreté, d’itinérance ou en sortie de rue. Il sert de lieu d’échange, de sensibilisation, de représentation et de défense des droits, privilégiant la concertation, l’analyse des enjeux et l’innovation. Les membres du ROIL adhèrent à la plateforme globale du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ), qui revendique notamment un revenu décent, un réseau d’aide et de solidarité, le droit de cité, le droit au logement et le droit à l’éducation pour les personnes en situation d’itinérance.